Le maquereau fronce les sourcils, pose ses lunettes sur la table basse, se racle la gorge et nous explique la raison de sa colère. « Je ne supporte pas que l’on me traite de souteneur et de gigolo », éructe ce poisson reconnaissable à sa forme fuselée et à son dos bleu acier strié de rayures sombres. « Je ne veux plus être identifié à des personnages louches comme Dodo la Saumure. D’ailleurs je n’aime pas le sel auquel je préfère de loin la moutarde », ajoute le scombridé présent dans toutes les mers du globe avec deux espèces principales, le maquereau commun (réputé pour être le meilleur) et l’espagnol qui a des yeux plus grands et quelques taches foncées sur le ventre.
Le maquereau se lève et attrape une encyclopédie dans sa bibliothèque : « c’est vrai que les Romains ne m’appréciaient pas mais madame de Sévigné organisait des maquereaux-parties et Alexandre Dumas encensait mon courage, qui me pousse à m’attaquer à des poissons plus gros que moi, et me décrivait comme « fait d’azur, d’argent et d’or ». Lui au moins savait me parler », explique le maquereau en se rasseyant, un sourire au coin des lèvres. Mais alors pourquoi ce surnom infâmant ? « D’après le docteur Louis Lemery, auteur en 1705 d’un Traité des aliments et membre de l’Académie royale des sciences, le nom de maquereau m’a été donné parce qu’au printemps, je suis les petites aloses, communément appelées « vierges », pour les conduire au mâle. Dans ces conditions, je préférerais que l’on voit en moins un entremetteur ou un conseiller conjugal », conclut le poisson vorace qui réapparaît au printemps après s’être retiré dans les profondeurs de la mer pendant l’hiver.