Les habitants de Langres sont des esprits savants qui n’ont pas attendu la naissance de Diderot (l’auteur de L’Encyclopédie est l’incontestable célébrité de cette antique cité champenoise réputée pour être la ville la plus froide de France) pour manifester une réelle appétence pour les questions scientifiques.
Ils produisent depuis le 18ème siècle un délicieux fromage à pâte molle de couleur blanc cassé orné d’une croute lavée dont la teinte varie entre le jaune clair et le rouge orangé (à cause du rocou, un colorant naturel rajouté à la solution saumurée avec laquelle il est lavé), qui présente la particularité de n’être jamais retourné pendant les quinze jours à trois semaines que dure son affinage. Ce traitement spécifique a d’importantes conséquences sur un fromage aux arômes puissants mais à la saveur subtile : une cuvette – appelée fontaine – se forme en son centre au bout de quelques jours et se creuse au fur et à mesure de l’affinage. C’est bien simple : plus la fontaine est profonde, plus le fromage est affiné.
C’est alors que les Langrois attrapent leurs rapporteurs et mesurent avec précision la profondeur de la cavité pour vérifier s’il s’agit d’un Langre droit, d’un Langre isocèle ou encore d’un Langre équilatéral… On raconte que faute de débouchés commerciaux ce fromage a failli disparaître au début des années 1950 : cela aurait été dommage pour la gastronomie et les mathématiques.