L’ami mycologue est un homme heureux qui se promène dans les bois et multiplie les conquêtes éphémères et odorantes. Quand vient la saison de la truffe, il frétille de plaisir car tous ses sens sont en éveil. Mais quand elle s’en va, il ne gémit pas car il sait que c’est au tour de la morille de pointer le bout de son nez.
La morille, que l’on ne confondra pas avec les morillons – nettement plus petits et bien moins savoureux, ils sont au succulent champignon ce que les oreillons sont aux oreilles – ni avec les gyromitres, qui peuvent être toxiques, appartient à la grande famille des morchella. Vraie blonde qui devient noire à la cuisson (ce qui la distingue de l’espèce humaine), la morille a une tête globuleuse à l’allure d’éponge (autre distinction avec la race humaine, à l’exception de certaines actrices américaines sur le retour). Ce champignon des pays tempérés que l’on retrouve notamment en Franche-Comté, sur les terres sablonneuses et à proximité des frênes, se cuisine – obligatoirement car elle est toxique à l’état cru – avec du vin blanc et de la crème et apprécie la compagnie d’asperges, de poulet et de veau. Parmi ses nombreuses variétés, citons la morille vulgaire (morchella vulgaris), qui apparaît en premier avec ses coloris allant de l’ocre au gris et son goût fin et délicat ; puis vient la morille conique (morchella conica), la plus réputée, avec son chapeau oblong brun foncé, ses côtes épaisses et ses alvéoles bien dessinées. En fin de saison, c’est-à-dire dans les dernières semaines de mai, c’est au tour de la morille ronde (morchella rotunda) de faire son apparition, avec sa belle couleur blonde, ses amples alvéoles et son pied cylindrique et court. Et l’ami mycologue s’en va en fredonnant un air d’Enrico Macias : « à qu’elles sont jolies, les morilles de mon pays ! »