Il faut avoir le courage d’aller à contre-courant des idées reçues et affirmer au risque de déplaire à certains que la gariguette nous embête. Sous prétexte qu’elle est la variété la plus consommée en France, elle minaude et fait sa mijaurée. Elle raconte avec une petite voix chevrotante l’histoire de ses ancêtres, l’Europe couverte de fraises des bois au Moyen Age, la découverte de fraisiers canadiens par Jacques Cartier puis chiliens par Amédée-François Frézier, la fragaria ananassa, hybride de ces deux variétés et grand-mère de toutes les fraises actuelles. Elle plisse les yeux, fait briller ses innombrables boutons d’or et poursuit son récit : Louis XIV aimait tellement les fraises qu’il s’en donnait des crises d’urticaire et Madame Tallien (1773-1835) versait chaque jour dix kilos de fraises dans l’eau de son bain… Bref, la gariguette ramène sa fraise.
Seulement voilà : il serait bon de rappeler que cette petite pimbêche de gariguette n’a pas la noblesse et l’ancienneté qu’elle revendique. Elle a été créée en 1977 par les chercheurs de l’INRA de Montfavet, dans le Vaucluse, qui cherchaient une variété plus productive que celles qui existaient en France à l’époque et tout aussi précoce que les Espagnoles et les Italiennes qui inondaient le marché au début du printemps, le tout en ayant du parfum et du goût. Si les premiers producteurs se montrèrent assez réticents, la gariguette fut adoptée partout et par tous au point de supplanter les autres variétés. Pour lui rabattre le caquet, il ne nous reste qu’une solution : il faut courir en acheter une barquette et mordre dedans à pleine dents ! Ca tombe bien : avec l’arrivée des gariguettes françaises venues du Périgord et de Bretagne, les prix ont dégringolé en l’espace de deux semaines.
L’astuce : servez-vous d’une paille pour retirer la tige de la fraise et son pédoncule. Mais ne le faites pas trop tôt au risque de lui ôter toute sa saveur.