Bien qu’il se prête avec complaisance au jeu de la médiatisation (on l’a vu l’an dernier dans Top Chef et plus récemment dans la série Chefs), Asafumi Yamashita cultive le mystère. S’il s’est installé à Chapet, un village de 1.100 habitants situé dans les Yvelines, ce n’est pas par amour pour le département chanté par Jacques Dutronc ni même par goût pour la douce France de Charles Trenet. Du reste, quand Zinedine Zidane a assené un magistral coup de boule dans le poitrail de Marco Materazzi, plongeant en une fraction de seconde des millions de Français dans un mélange de stupeur et d’affliction, Asafumi Yamashita était « bien content » d’échapper aux flonflons pétaradants d’une France championne du monde qui perturberait « l’agréable tranquillité » de son potager.
Car Asafumi Yamashita est un maraîcher pas comme les autres. Ses légumes, il les vend à une poignée de chefs étoilés qu’il choisit arbitrairement et à qui il livre la marchandise qu’il veut, au moment où il le décide et à un prix qu’il détermine lui-même. On a connu pire business plan… Pourtant son terrain est minuscule (à peine 3.000 mètres carrés), argileux (donc sec comme un jour sans pain quand il fait chaud et boueux quand il pleut), en pente et orienté vers le nord. Des conditions loin d’être idéales. Il y cultive malgré tout des navets, des carottes, des épinards qui ont une longueur en bouche exceptionnelle, une succession de goûts plus succulents les uns que les autres et une absence totale d’amertume. Pour les autres maraîchers, c’est à n’y rien comprendre. C’est d’autant plus surprenant qu’il a appris le métier dans un banal livre de poche intitulé Cultiver son potager à partir de 50 ans, qu’il n’a jamais songé à analyser la composition du sol et qu’il répond à ceux qui lui demandent comment il travaille sa terre qu’il cherche juste à la comprendre. La méthode Yamashita serait donc affaire d’attention constante et de soins réguliers. « Quand je fais quelque chose, je n’aime pas le faire à peu près bien », professe-t-il.