On vous voit venir avec vos gros sabots. « Avec un nom pareil, c’est sûr qu’il va se moquer du beaufort, ce bellâtre laitier… » Et bien non, justement. Nous nous garderons de critiquer ce délicieux fromage à pâte pressée cuite, préparé avec du lait cru de vache de race tarine ou abondance, qui bénéficie d’une AOC depuis 1968 et d’une AOP depuis 2009. Nous ne nous moquerons pas de cet emblème savoyard, qui se présente sous la forme d’une meule de 20 à 70 kilos au talon légèrement concave, ce qui permettait de lier les fromages lorsqu’on les descendait des alpages à dos de mulet. Nous rappellerons qu’il existe trois sortes de beaufort : le classique, fabriqué de novembre à mai quand les vaches sont dans la vallée ; le beaufort d’été, quand elles sont en pâture, de juin à octobre ; et le beaufort chalet d’alpage, produit selon les méthodes traditionnelles.
Nous raconterons l’histoire de ce fromage que l’on appelait « vachelin » au Moyen Age quand il était fabriqué par des paysans autogérés et qu’il ne pesait que 10 kilos, puis « grovire » quand les révolutionnaires en importèrent 10.000 quintaux pour nourrir les Parisiens affamés, et finalement beaufort. Acceptons avec simplicité ces changements de noms. Et songeons qu’il aurait pu s’appeler moche-maigre !